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Publié : 25 août 2014

SULTAN de Lasserre avec Sophie ... 3 ans après

Transhumance le début d’une longue et passionnante aventure...

Témoignage de Sophie :

Cela fait maintenant 2 ans et demi que nous avons accueilli Sultan et Rahan à la maison. Sultan c’est mon cheval, mon premier cheval.

J’ai commencé l’équitation à l’âge de 5 ans au poney club de l’île Saint Germain en région parisienne. A cet âge, on attrape vite le « virus du cheval ». Pendant toute mon enfance et mon adolescence, j’ai consacré mon temps libre à cette passion : stages pour le passage des galops pendant les vacances, randonnée estivale dans les alpes, puis plus tard, concours hippiques. J’aimais les chevaux, leur mélange de douceur et de force, j’avais de l’admiration pour eux mais, je me rends compte aujourd’hui, qu’en fait, je ne les connaissais pas, ou, en tout cas, mal. C’est le drame de l’enseignement de l’équitation en France : on vous apprend une somme de connaissances très techniques sur votre position, votre assiette, on vous demande l’attitude parfaite, on attend du cheval la soumission totale. Les chevaux de sport, dans leurs boxes dorés, sont pouponnés, lustrés, habillés des pieds à la tête. On passe des heures à tresser leurs crinières, à faire briller leurs sabots. On est dans le paraître et on passe à côté de l’essentiel.

Il m’a fallu du temps pour comprendre tout cela. A 20 ans, j’ai arrêté de monter à cheval. J’avais une sorte d’amertume pour tout ce cirque et je n’étais plus très sûre d’y trouver ce pour quoi j’avais, à une époque, été si passionnée : une envie de mieux connaître et d’approcher ce formidable être vivant qu’est le cheval. A la fin de mes études vétérinaires, j’ai pu dans le cadre de ma thèse de doctorat consacrer plusieurs semaines à l’observation d’un troupeau sauvage de chevaux de Prjevalski dans le causse Méjean (association Takh, projet de réintroduction). C’est là que j’ai appris les bases scientifiques du comportement du cheval. De fil en aiguille, cela m’a ensuite amené, en 2007, à traverser une partie de la Mongolie à cheval en autonomie avec mon frère. A ce moment, j’ai eu envie de renouer avec ma passion, mais… différemment. La Rencontre a finalement eu lieu 4 ans plus tard. J’avais eu l’occasion de dormir en chambres d’hôtes chez Jean Louis et Christine Savignol. Leur façon d’élever leurs chevaux de Mérens m’avait mis la puce à l’oreille. Il fallait que je revienne pour comprendre. En juin 2011, avec mon conjoint, Pedro, nous nous lançons dans l’aventure de la transhumance. Nous ne sommes pas déçus, nous avons vécu 5 jours de bonheur à l’état pur : la découverte de l’approche éthologique, la magie de vivre au cœur du troupeau, et bien-sûr, la rencontre avec nos chevaux, Sultan et Rahan.

Il y a un avant, et un après cet événement. Après 25 ans d’expériences diverses avec les chevaux, je découvre qu’il est possible d’établir une véritable relation avec le cheval. La suite s’est construite progressivement. Nous sommes revenus plusieurs fois à Lasserre avant de prendre la décision de devenir propriétaires de Sultan et Rahan. La route a été longue, il a fallu écouter, beaucoup écouter, se remettre en question, se montrer patient, mais au bout du chemin, je réalisai enfin un rêve, devenu notre rêve avec Pedro, vivre en harmonie avec nos chevaux à la maison.

Dans notre démarche, il était indispensable d’apprendre la méthode d’approche éthologique qui nous permettrait d’évoluer avec nos chevaux. Benjamine est notre coach en équitation éthologique. C’est avec elle que nous avons fait nos premiers pas, d’abord en travaillant uniquement au sol avec nos chevaux (savoirs 1 et 2 en 2012, début du savoir 4 cette année) puis, en montant (savoir 3 degré 3 en 2013 puis degré 4 cette année). Notre formation s’est étalée sur 3 stages de 5 jours et un stage de 3 jours en l’espace de 2 ans. Entre chaque stage avec Benjamine, nous nous étions fixés des objectifs et un programme de travail à respecter à la maison que nous répartissions en général sur environ 6 séances par mois. A cela, il faut ajouter les nombreuses randonnées avec nos compagnons : journées ou week-end sur les sentiers autour de la maison, tour des monts de Blond dans le limousin, tour du Périgord vert en 1 semaine, 4 jours dans les montagnes ariégeoises en autonomie (bivouac), traversée des Pyrénées basques en 10 jours de Saint Palais à Hendaye.

L’éthologie a changé notre mode de pensée. Nous vivons avec nos chevaux une aventure passionnante. Chacun avec notre cheval, nous avons tissé un lien dont le socle est une confiance et un respect mutuel. Chaque jour, je vis ce moment incroyable : je sors de notre maison, je siffle une ou deux fois, encourage d’un « Aller les chevaux ! Sultan, Rahan, allez venez ! », et les voilà, arrivant au petit trot ou parfois, au grand galop du fond de leur pré pour venir à ma rencontre. Je les salue, leur demande comment ils vont. Sultan plonge son doux regard noir dans le mien et… j’apprends à l’écouter. Je le gratte là où il me l’indique, parfois il me gratouille un peu aussi, tout doucement, du bout de ses lèvres. D’autre fois, je le sens impatient, il veut qu’on fasse une activité ensemble, il me le demande. Benjamine nous a appris avec le travail au sol une multitude de petits exercices qui sont autant de jeux que l’on peut pratiquer avec son cheval. Sultan est heureux, je sens son envie de me proposer des choses. Il adore l’exercice du mener où il me suit, sa tête à quelques centimètres de mon épaule ; changement de direction, arrêt, reculer, transitions. Nous avons commencé le travail en liberté, c’est assez grisant… Ivresse de la liberté, où chacun est libre à tout instant de rompre la connexion, et où, lorsque la magie opère, homme et cheval semble presque danser ensemble. Depuis quelques temps, Sultan et moi, nous avons suffisamment confiance l’un en l’autre pour partir tous les deux seuls en balade loin de la maison. Nous profitons ensemble de grands galops dans la campagne.

A travers cette histoire, Jean-Louis, Christine, Benjamine, Sultan et Rahan, m’ont permis de grandir. Les chevaux sont des miroirs, ils vous renvoient, en pleine face et sans détours, à vos craintes, à vos doutes, et vos faiblesses. Avec eux, il n’y a pas de « petits arrangements », pas d’hypocrisie ; on « est » ou, on « n’est pas ». Les hommes qui ont appris à les côtoyer dans une relation harmonieuse, savent écouter animaux et humains ; ils sont plus attentifs à leur énergie. Confiance, Respect, Connexion, sont les maîtres mots. Dans mon métier de vétérinaire, aussi, j’ai évolué. Je laisse plus de place à mon ressenti, à mon instinct. J’aborde « mes patients » en essayant de leur communiquer une certaine sérénité, je les préviens de chacun de mes gestes, et j’essaie de les écouter.

Je dois aussi beaucoup à Pedro. Sans lui, je ne sais pas trop si je me serais lancée dans cette aventure. Cela s’inscrit dans l’histoire de notre couple. Pedro est toujours enthousiaste et extrêmement persévérant. Il ne lâche rien ! Il sait m’encourager dans les moments de doute et me mettre en confiance. Le regard que nous posons l’un sur l’autre nous a permis de progresser ensemble. Les nombreuses séances de débriefs sont essentielles pour avancer. Avec Pedro, nous formions déjà un couple soudé mais je pense que nos chevaux nous ont encore rapprochés, comme si cela était venu renforcer davantage les valeurs partagées.

Un nouveau projet professionnel pourrait peut-être même naître de tout cela. Mais, cela, c’est encore une autre histoire à écrire, que, je l’espère, nous pourrons bientôt vous conter.

Sophie