Nos AVENTURIERS des Racines et des Ailes
Merci à Léa, Jérome, Nicolas et Joseph....
LA TRANSHUMANCE DES CHEVAUX DE MERENS 1/2 (appelé aussi ici le « montagnage »
C’est un jour très attendu pour une figure de l’Ariège, l’éleveur de chevaux Mérens (BIO) Jean-Louis Savignol.
Depuis 25 ans, cet amoureux des Pyrénées élève en bio ses animaux et met toute son énergie pour préserver cette race pyrénéenne.
Il s’apprête à partir pour les 3 jours de transhumance avec son troupeau pour les laisser en liberté pendant 5 mois sur les hauts plateaux. Ils pourront profiter des ressources fourragères des pâturages naturels d’altitude.
Chaque année, ces longues colonnes de princes noirs d’Ariège, en pleine nature, sur les chemins, sur le GR10, les voies romaines... C’est bien plus qu’une image de carte postale, c’est une véritable tradition inscrite dans le pastoralisme pyrénéen.
A / Préparation des animaux, intendance et sécurité
Départ pour 3 jours pour emmener 30 chevaux sur les hauts plateaux, là où l’herbe est plus grasse et les températures plus fraîches. Ils vont parcourir 90 kilomètres et gravir plus de 6000 mètres de dénivelés cumulés.
Évidemment, ça se prépare. Il faut :
• Rassembler les chevaux, bien vérifier que les dominants ont leur cloche, très importante pour être identifiés par les autres bêtes et pour prévenir des dangers de la montagne tel le brouillard ou l’ours.
• Préparer la logistique pour le bivouac, la nourriture, le matériel, les tentes, le ravitaillement…( la sécurité)
• Contacter la préfecture car un tel déplacement de troupeau est très encadré (demander a tous les villages ou l’on passe l’autorisation, la DDE, les services vétérinaires, le conseil général, les services vétérinaires, le président du gestionnaire de l’estive, la gendarmerie, autorisations spéciales de campement ONF, Les hébergements utilisés….)
• Atteler un van à la voiture et contacter le vétérinaire pour s’assurer qu’il se rende disponible en cas de problème avec un cheval durant la grande traversée.
Pendant la transhumance, c’est Christine qui est en charge de la sécurité. Elle va suivre avec une voiture attelée d’un van, le groupe de chevaux en pleine nature, en empruntant, elle, la route et les pistes les la plus proche.
Les risques d’un tel voyage sont réels et la cadence parfois élevée.
Ce voyage est très intense, un peu comme si c’était la première fois.
Tous adorent cette mission, importante pour les chevaux et pour eux, amoureux du voyage à cheval dans les montagnes sauvages et préservées. ( et qui connaissent la route..)
B / Un périple grandiose, une expérience unique en France
Jour 1 :
Le jour se lève sur l’étang de Lers.
Pour le voyage, il sera accompagné par 3 cavaliers triés sur le volet pour cette expédition longue et difficile.
Avant de se lancer, Jean-Louis fait passer un test aux 5 cavaliers.
C’est impératif, il a parfois refusé des candidats parce que certains passages seront très difficiles voire dangereux, il veut s’assurer qu’ils aient un très bon niveau ( pour ne pas pénaliser le groupe..)
Puis, c’est parti pour la grande aventure.
Les 300 premiers mètres sont rudes.
Après cette côte de montagne qui mène au col Dret, c’est une vue superbe sur l’étang de Lers qui attend les cavaliers.
PETITE HISTOIRE : Un Mérens c’est un cheval qui a galopé en liberté en troupeau en haute montagne comme l’ont fait ses ancêtres depuis des milliers d’années, ça le rend doux et endurant, souple et adroit et ça lui donne cet équilibre mental qui le caractérise
Au cours de la matinée, les chevaux passent devant des orris, ces abris des paysans-bergers construits en pierres sèches aux 18ème et 19ème siècles.
PETITE HISTOIRE : Pendant qu’ils gardaient les bêtes, les bergers ramassaient les pierres et montaient des murs parce qu’ici, en pleine nature, parfois les éléments peuvent être déchaînés
Plus loin …
PETITE HISTOIRE : En communion avec la montagne, loin du premier village, certains ont choisi de venir habiter là. Il y a un site de néo ruraux qui vivent loin de la société de consommation, avec le minimum et beaucoup de débrouille.
Cet endroit a défrayé la chronique récemment, un père a vécu ici, caché avec ses deux fils, pendant années, et ça a donné lieu à un livre et à un film La Vie Sauvage. Ça raconte qu’ici, on est vraiment seul au monde…
Le voyage continue et la vue sur la chaîne des Pyrénées est extraordinaire. On a l’impression qu’on peut la toucher. Vue sur le Mont Valier … Le point de repère. Il est beau, il est majestueux, il culmine à 2838m. C’est le plus haut dans le Couserans. ( c’est notre Mont blanc a nous)
Les chevaux avancent toujours et les cavaliers se retrouvent sur un vaste plateau ensoleillé à 1000 m d’altitude.
PETITE HISTOIRE : La vue panoramique est exceptionnelle sur les montagnes d’Aulus et le massif du Mont Valier.( ainsi que la Station de ski locale GUZET NEIGE que l’on observe toute la journée) Autour d’eux, des prés parsemés d’une centaine de granges en pierre, à l’architecture très typique : ce sont les granges à pas d’oiseau de Cominac. Dans ce hameau, on a construit des bipentes sans étage avec les deux pignons en pierres plates pour pouvoir déneiger parce que c’est très exposé.
Les habitants de Cominac étaient des éleveurs de bovins, (et ovins) l’élevage étant la seule agriculture possible dans un tel climat de montagne et un terrain en pente. (Certains se sont essayés aux chèvres..)
Il fallait donc beaucoup de foin pour les bêtes en hiver. Les éleveurs possédaient de nombreux petits prés dispersés autour du village. Ils ont donc construit une grange sur chaque ( a la place de chaque plutôt quelques) parcelle pour stocker le foin. Quand le foin d’une grange est épuisé, l’éleveur amène les bêtes vers la prochaine grange en se rapprochant du village afin d’utiliser au plus dur de l’hiver la grange la plus proche de l’habitation et éviter les longues marches épuisantes dans la neige.
Cominac, est un hameau de la commune d’Ercé, situé au-dessus.
PETITE HISTOIRE : Ce petit village perdu dans la montagne est célèbre dans le monde entier.
On l’appelle le village des Américains. Au 18e et 19e siècles, pour sortir de la misère, une curieuse activité est devenue très en vogue dans cette vallée de l’Ariège. Après la Révolution française, au fin fond du massif des Pyrénées, la vie est dure pour les habitants. Pour mieux gagner leur vie, des centaines d’habitants migrent vers des régions voisines ou en Espagne. D’autres recueillent de jeunes ours orphelins (ou dans les cavités avec la mère...ail ail ail..). C’était très dangereux. Il faut un certain courage pour aller prendre un petit à une femelle ours.
Capturés en bas âge dans les forêts montagneuses, les animaux sont domestiqués et apprennent à marcher, à danser voire à jongler comme des humains. Leurs nouveaux maîtres se déplacent ensuite avec eux dans tout le pays, en Europe et aux États-Unis.
À New York, ces émigrés, qui aident financièrement leurs proches restés au pays, se retrouvent souvent près d’un rocher surnommé Roc d’Ercé, en plein Central Park. Il existe toujours ! Et une véritable communauté de descendants s’est même formée en Amérique.
Plus loin, les chevaux traversent la forêt de Serre au milieu d’une hêtraie.
PETITE HISTOIRE : Le bois a joué un rôle primordial en Ariège. Les paysans, les villageois avaient le droit de servage.
Tout le monde allait chercher du bois dans les forêts pour se chauffer. C’est la survie, parce qu’il fait très froid l’hiver en Ariège ! Et avec ce bois on faisait aussi les sabots, le lit, la maison. On se servait des matériaux qu’on avait sous la main. Et le cheval de Mérens était utilisé pour le débardage.
Le voyage continue et les chevaux passent au-dessus de Oust, dans la montagne et arrivent jusqu’à des chalets en bois. C’est la fin du trajet du jour. Il faut maintenant soigner les chevaux, vérifier qu’ils ne sont pas blessés.
et Patrick
C’est un autre moment fort de la journée.
Jean-Louis a donné rendez-vous à son ami vétérinaire.
Patrick Chêne est un ostéopathe reconnu dans tout le monde équin pour avoir développé des techniques pour soigner les chevaux.
C / Éthologie et communication avec le cheval
Patrick Chêne va faire le tour du troupeau et soigner ceux qui montrent des signes de faiblesses. Il intervient en douceur, avec les mains en y mêlant du chant diphonique. C’est un transfert de vibrations de ses cordes vocales vers les cellules du cheval.
Quand Patrick arrive, les chevaux le reconnaissent et vont vers lui. Il a un don et un talent incroyable.
L’Ariège c’est un territoire avec un état d’esprit d’ouverture aux nouvelles pratiques, pourvu qu’elles respectent la nature. Précurseurs ?
Jean-Louis et Benjamine passent la fin de l’après-midi avec les chevaux pour les conditionner à la suite du voyage. Ils montrent aux autres cavaliers des gestes pour entrer en connexion avec un cheval.
Jean-Louis observe beaucoup ses chevaux, leurs comportements, les analyse et essaie de les comprendre. Leur connexion est incroyable. C’est unique en Europe, avec son ami Patrick Chêne, ils étaient les premiers à travailler en éthologie, en ostéopathie et en homéopathie ( homéopathie, communication intuitive..)
Si le lien entre l’éleveur et ses animaux est si important, c’est parce que, historiquement, le Mérens est intimement lié aux montagnes ariégeoises et à ses habitants, il a depuis toujours été le compagnon des "Montagnols", les agriculteurs des montagnes.
Fin de la journée : L’équipage profite du superbe coucher de soleil sur
le Mont Valier et d’un dîner dans une jolie grange ouverte.
LA TRANSHUMANCE DES CHEVAUX DE MERENS – 2/2
Jour 2 :
Nous retrouvons Jean-Louis Savignol et son équipage autour de leur campement.
Ils profitent du lever de soleil sur le Mont Valier en buvant un dernier café.
Aujourd’hui il y a 20 km de randonnée. C’est la partie la plus spectaculaire mais aussi la plus redoutée. Les dangers sont nombreux.
Dans la matinée, le groupe redescend dans la vallée et traverse le village de Seix.
Dans la vallée de Seix où coule la rivière Salat.
Il y a le Château de Seix : avec ses deux tours, son échauguette et son mur d’enceinte, il représente un des éléments remarquables du patrimoine local. Surplombant les toits de ce village de montagne, il rappelle indirectement que ce site de la haute vallée du Salat occupait jusqu’à une époque récente un emplacement stratégique sur la route de trois cols transpyrénéens majeurs, voies de circulation des hommes et des marchandises.
C’est un joli village, clé des transhumances : beaucoup de troupeaux sont obligés d’y passer pour monter en estive.
Les chevaux se dirigent vers la vallée d’Esbintz. Après 3 heures de marche, c’est la fin de la matinée, la caravane s’enfonce dans la montagne et s’arrête dans un gîte d’étape bien connu sur le GR10, le dernier avant le col de la Core. Dans ce bâti rustique de caractère vivent des éleveurs, les Chevillon, arrivés en 1968. Ils ont choisi de restaurer une ancienne ferme malgré la rudesse du climat et leur éloignement de la moindre habitation.
Aujourd’hui ils élèvent des chevaux, des moutons et forment des Bergers des Pyrénées, pour veiller les troupeaux. Leur fils a repris avec sa femme l’exploitation, ils apportent une touche de modernité et produisent des fruits rouges avec lesquels ils fabriquent de très bons sorbets.
Ils cuisinent pour les randonneurs du GR10 ( gîte d’étape) et entretiennent les sentiers autour de chez eux parce qu’il y a des pentes entre 15 et 20%, c’est non mécanisable… Un travail énorme.
Jean-Louis est admiratif de ces personnes qui ont fait un travail colossal pour vivre là et développer leurs activités. Chaque année il s’arrête et c’est toujours un bonheur de partager avec eux. Leur cuisine est savoureuse et ils font vivre les montagnes !
Après le déjeuner, la caravane emprunte le GR10, qui traverse les Pyrénées de l’Océan Atlantique à la Mer Méditerranée, et monte pendant 5 km jusqu’au col de la Core. Là, les cavaliers profitent d’une superbe vue à 360 degrés et aperçoivent le Chemin de la liberté :
Pendant la seconde guerre mondiale, et afin d’échapper aux nazis, ce chemin fut une voie de salut pour atteindre l’Espagne en passant notamment par le massif du Mont-Valier. Les passeurs, des Ariégeois qui connaissaient bien la montagne empruntaient ce chemin et sauvèrent de nombreuses vies.
Les chevaux descendent ensuite vers le superbe lac de Bethmale, toujours sur le GR10, puis montent en file indienne, au-dessus du lac via des lacets très serrés et très pentus.
C’est la grosse difficulté du jour.
C’est la partie la plus redoutée, un accident peut vite arriver. Les chevaux doivent rester calmes, et les cavaliers aussi. Les chevaux savent ce qu’ils ont à faire. Il faut surtout les laisser prendre le meilleur chemin.
Plus tard, ils arrivent au cirque de Campuls.
Un magnifique site naturel et protégé avec 3 cascades.
Là, les cavaliers ont une autorisation spécifique de l’ONF pour installer leur bivouac.
Ils profitent d’un coucher de soleil somptueux et dînent devant un feu de camp avant de passer la nuit à la belle étoile.
Jour 3 :
C’est le dernier jour de la transhumance, la caravane part au petit matin et emprunte des chemins équestres.
Ici il y a 4000 km de chemins en pleine nature, pour marcher, faire du VTT ou de la randonnée à cheval ! C’est idéal parce que l’Ariège est le département où l’air est le plus pur de France
La caravane descend ensuite en direction de la vallée de Bethmale, puis par des petits chemins, s’enfonce dans une forêt. C’est un passage étroit, difficile voire dangereux : certaines pistes très peu fréquentées nécessitent de tronçonner des arbres.
Les chevaux avancent en file indienne sans possibilité de faire demi-tour.
Plus loin, un joli torrent permet aux chevaux de boire. Ils se mettent dans l’eau, ça les masse
Là ils sont heureux ! C’est leur hydrothérapie. Parce que c’est du sport pour eux cette transhumance. Deux marathons de 3 jours après un hiver sans beaucoup marcher.
Ils aiment partir pour l’estive, ça se sent, ils sont motivés mais c’est beaucoup de sport.
Plus tard, ils traversent le village en Sentein et font le tour de la superbe église fortifiée du 13ème siècle. Jean-Louis retrouve Michel Estremet, fidèle au rendez-vous chaque année.
Michel est un ancien garde champêtre et une figure locale. Tous les ans, il accueille Jean-Louis et son groupe pour emmener les chevaux vers leur estive. Il raconte la vallée du Biros avec passion, notamment l’histoire incroyable des miniers et le patrimoine industriel hors du commun et trop méconnu.
L’Ariège possède le site minier le plus extraordinaire des Pyrénées. Là sur cette pente raide, ce sont les chemins des ouvriers, la gare, les câbles, les wagonnets… C’est resté, comme s’ils étaient partis du jour au lendemain.
Dans les années 1880, un important filon de plomb argentifère est découvert, une richesse inespérée pour un pays montagneux !
La mine de Bulard, la plus haute d’Europe avec des galeries jusqu’à 2 700 mètres, fut exploitée de 1901 à 1919. Malgré un accès difficile, on va bâtir dans ces lieux vertigineux un village minier au mail de Bulard perché à 2500m, le plus haut d’Europe, appelé « le Machu Picchu ariégeois »
L’exploitation de ces mines fut une véritable épopée et les bâtiments, littéralement incrustés dans un piton rocheux sont les derniers vestiges de cette incroyable histoire.
Cette mine, la plus haute d’Europe, a été surnommée la reine des Pyrénées mais aussi la mangeuse d’hommes eu égard aux conditions de travail extrêmes. Il y a eu de nombreux accidents, des morts. Ce n’était pas Germinal, non, c’était pire
Les chevaux arrivent sur l’estive. Jean-Louis déferre, monte à cru, et les princes noirs regagnent leur terrain de jeu préféré, la montagne à l’état brut.
Ils y resteront 5 mois en liberté.