Publié : 6 novembre 2009

NATASCHA et Ondine nos petites SUISSE du Tessin

Au Haras Picard du Sant on y retourne !

Cette certitude est gravée dans nos coeurs, celui d’Ondine, ma fille de 12 ans et le mien.

En fait après les reportages effectués par Cheval Attitude sur la famille Savignol (voir no. 3 juillet-août 2006), et ayant été touchée par la grâce du cheval de Mérens, la logique même voudrait que je me rende directement sur les lieux, à Lasserre. C’est ce que je fis !

Et voilà donc qu’en janvier 2007 je prends déjà les premiers contacts par mail. Au début, j’avais opté pour faire la transhumance mais malheureusement à cause d’un problème d’obligations professionnelles à ces dates, je n’ai pas pu la faire. En surfant sur le site (www.merens-ariege.com), j’ai vu que le WE à thème réservé aux poulains se déroulait à des dates idéales car Ondine aurait déà terminé son année scolaire. Donc, voilà que je réserve une semaine en juin.

Arrivées au Haras, j’ai tout de suite su qui était l’un et l’autre grâce au DVD « La Nature en chemin ». que j’avais commandé sur le site afin de me faire d’un côté rêver et de l’autre patienter, car croyez moi, convoiter un désir qui ne se réalise que des mois plus tard, c’est dur....pour le bélier que je suis ! Ce DVD, réalisé par Cécile Neurisse, est un merveilleux reportage réalisé au Haras Picard du Sant et toute l’activité de la famille Savignol.

L’accueil de Jean Louis et Colette sa maman, est formidable dès notre arrivée, même pas le temps de descendre de voiture. Ils coupaient du bois et ils riaient de bon coeur. Il faut dire que tout le monde rit lorsque je fais des manoeuvres pour garer la voiture, en plus c’était une voiture de location que je ne connaissais pas.

On s’installe dans le chalet qui nous avait été réservé, très spacieux, accueillant et typique. Ondine fait des bonds de joie en découvrant que nos lits sont munis de matelas à eau et que l’on avait à notre disposition une douche géante à jets réglables. On défait à peine la valise car on a hâte de voir les chevaux et nous voilà à nouveau dehors.
Je fais alors la connaissance de Christine, la femme de Jean Louis.... Il y a une phrase dite un jour par un historien se référant bien entendu aux grands hommes de l’histoire : « derrière le succès de chaque grand homme, il y a une femme dans l’ombre », mais en voyant Christine, aussi solaire, je peux affirmer qu’au Haras Picard du Sant il y a un grand homme, oui, et une femme à ses côtés qui est l’incarnation même de la chaleur humaine, même si souvent elle est en retrait, mais certainement pas dans l’ombre !

L’après-midi tirait sur sa fin et nous avons l’occasion assez vite d’aller voir la horde de juments et des poulains de l’année agés de quelques heures à quelques jours. A mon grand étonnement on rentre dans le troupeau au beau millieu de tout ce petit monde avec le plus grand des naturels, Christine et Jean Louis viennent faire les soins phytothérapiques du soir. Ondine et moi on regarde fascinées ces poulains de quelques jours qui arrivent quand on les appelle, les mamans qui laissent faire et qui demandent des gratouilles, Christine connaît le nom de chacun et chacune et nous donne déjà une esquisse des traits de caractère : « Lui c’est Tindal, c’est le plus costeau, il sera bon pour l’attache », et encore « Oh, elle, Tzora, elle est bégüe, a besoin de soins osteo mais c’est la plus câline » et effectivement, elle se trouve déjà dans les bras d’Ondine. « Lui le petit dernier, c’est Tom, né hier à l’aube, sa maman est une bonne poulinière, elle l’éduquera bien » , et puis il y a Targa, et Tsui, et ..... J’ai l’impression de vivre un rêve, un conte de fées. Je me vois au millieu de cette paix, avec ces passionnés et grands amis des chevaux de Mérens, les poulains, les mamans. Ondine est aux anges ! Il n’y a pas qu’elle !!
.
Puis Jean Louis et Christine prélèvent du troupeau les deux juments, Judith et Pyrène, que l’on équitera les jours suivants. Il les met dans un pré voisin pour qu’elles puissent être prêtes le lendemain matin car elles vont « travailler », c’est à dire qu’elle auront la bonté et l’élégance de nous porter sur leur dos durant 3 heures de ballades quotidiennes pendant une semaine.

Au retour du pré de Judith et Pyrène, Tzora et sa maman ont été emmenées à la clinique vétérinaire, distante de quelques kms pour un soin ostéopathique. Tout ce beau petit monde qui monte dans le van avec naturel.
Christine et Jean Louis connaissent bien toutes leurs « mamans » et nous décrivent l’histoire et les particularités de beaucoup d’entre elles en nous nommant leurs poulains respectifs, ceux des années précédents, avec leurs caractéristiques, une anecdote pour chacune. C’est incroyble de noter avec quels engagement et passion ils font celà, il faut le vivre pour se rendre compte à quel point un lien se tisse entre eux et leurs « protégés ».

La journée des éleveurs de chevaux de Mérens au moment de la naissance des poulains n’est pas de tout repos. On se lève tôt, on se couche tard et on travaille beaucoup !
Le lendemain tôt le matin, on demande d’accompagner à nouveau Christine pour les soins aux poulains, une mixture pour leur diarrhée et un vermifuge.
Les juments nous accueillent avec bienveillance et il n’y a aucun signe de stress lorsqu’on approche les poulains, qui tout petits sont déjà bien curieux. Ce qu’il y a d’incroyable, c’est qu’Ondine et moi sommes de parfaites étrangères pour ces chevaux, nous n’avons encore rien fait pour eux et déjà ils nous scrutent et sont curieux de notre odeur et acceptent notre présence comme si on faisait partie de la famille depuis toujours.
Jean Louis nous explique qu’il suffit de se baisser, afin de ne pas paraître trop géants et ne pas intimider les poulains qui n’ont que quelques jours. Accroupis on les invite à venir vers nous et lorsqu’ils arrivent nous pouvons alors échanger nos souffles.... avec beaucoup de douceur... C’est magique !
Je peux garantir à tout un chacun, que l’expérience du premier échange de souffle avec un poulain qui n’a que quelques jours, est un moment merveilleux, émouvant, indescriptible, innoubliable.

Petit à petit je m’aperçois que Jean Louis et Christine ont une appproche assez particulière de leurs chevaux, de leurs juments, de leurs poulains. Cette approche étant la plus en harmonie possible avec leur nature, fait en sorte que l’impact avec l’humain est basé sur la paix et le partage du moment présent. Il est vrai qu’ils se basent sur les principes du Parelli Natural Horsemanship et Jean Louis en est vraiment fier car la différence se voit et il peut la mesurer avec les autres éleveurs de chevaux de Mérens de la région.

Nous laissons les mamans et les bébés dans leur pré, une vraie pouponnière équine et nous nous dirigeons vers le petit pré où nous attendent Judith, Pyrène et Véziane. Véziane est la charmante jeune femme qui sera notre guide équestre durant les huit jours de notre permanence et qui nous guidera toutes les matinées afin que nous puissions découvrir le splendide paysage ariégeois, partie intégrante de cette chaine de montagne, les Pyrénées, cousine à celle que nous avons l’habitude de voir tout au long de l’année (nous habitons dans les préalpes de la Suisse italienne).

Nous préparons nos juments qui sont maniées au licol Parelli et je découvre à ce moment que j’aurai la chance de pouvoir monter ma jument en la guidant non avec son filet mais avec le licol, Oh joie !!!!! Bien sûr, pour des raisons d’assurance, Judith et Pyrène sont aussi munies de filets.
Ondine qui ne connait pas la monte Parelli guidera rênes longues et moi je tiendrai les rênes proforma pour l’assurance, mais je guiderai avec le licol. OK !
Les juments sont calmes et tout se passe bien, on les prépare, les brosse, les étrille, les câline, on fait connaissance, quoi !
Véziane nous annonce qu’elles n’ont pas travaillé depuis l’automne passé lorsqu’elle ont passé leur examen pour le label loisir. Sur ce je sens un petit vol de papillons dans mon estomac, me demandant si c’est bien sûr de monter un cheval qui n’avait pas travaillé depuis si longtemps et tout d’un coup je bénis le filet en pensant qu’il me servira très certainement.
Bon, nous nous mettons en route et après la petite ballade à pied pour s’assurer que le cheval est bien synchronisé à son cavalier et que la selle est mise bien à sa place, prenons place sur le dos de sur nos amis, avec beaucoup de douceur et de respect. Je suis étonnée du calme de ma jument. Je teste sa sensibilité pour le changement de direction en utilisant les aides minimes (oeil, nombril, jambe) et je suis étonnée de la sensibilité de Judith, on aurait dit qu’elle venait d’être travaillée. Il suffit d’hausser un peu l’énergie pour qu’elle parte au petit trop, pas besoin de cravache. C’est vraiment étonnant et agréable de pouvoir me faire comprendre de mon amie équine d’une manière aussi légère. Je ne peux pas croire qu’elle n’ait passé son examen label loisir que l’automne précédent après avoir fait une carrière de poulinière ! La surprise n’était pas finie, Pyrène la jument destinée à Ondine, n’a pas eu de cavalier sur son dos depuis des mois, elle à fait son examen label loisir en même temps que Judith, mais le plus étonnant c’est qu’elle n’a que 5 ans ! J’ai du mal à le croire, je demanderai à Jean Louis de confirmer la chose. Il confirme !
Le cheval de Mérens est rustique et costaud, il semble lourd, mais il a du sang, tout juste ce qu’il faut, en plus est très attentif à l’homme et je remarque que ces juments sont d’une extrème sensibilité aux aides subtiles. Ce n’est qu’en les équitant que l’on s’en rend compte.

On passe nos matinées à faire de merveilleuses ballades guidée par Véziane et nos après-midi à faire l’imprinting des poulains ou vérifier et solidifier des clôtures pour leur sécurité.
Au Haras Picard du Sant, l’imprinting des poulains consiste à les sensibiliser au toucher de la texture du licol Parelli sur leur peau, et puis de l’accepter autours de la tête, de leur faire donner les pieds, de faire le jeu de l’amitié de le jeu du porc-épic, le jeu de la guidance, en fait ce sont les jeux que l’on retrouve dans le Parelli Natural Horsemanship.
Je suis éberluée car ce n’est pas tout..... Tout cela se fait au beau milieu d’un pré, les mamans sont là et jettent un oeil de temps en temps à leur descendence et un autre à Igor, bel étalon de Mérens à la crinière généreuse et aux allures nobles, que l’on vient d’ammener au haras et qui se pavanne. Igor restera avec ce troupeau ainsi constitué, en liberté, pour les deux prochain mois, afin d’assurer la continuité de la race du cheval de Mérens HPS.
Donc immaginez, dans ce pré il y a 6 poulains, leurs mères, en plus 6 ou 7 juments qui n’ont pas de poulains, il y a Igor qui leur fait la cour gentiment et il y a nous : Ondine Christine Jean Louis et moi qui faisons l’imprinting aux poulains, et tout ça se déroule de manière naturelle en toute quiétude.
Je me sens sur une île de paix, coupée du reste du monde, hors du temps.

Au bout de trois jours, la raison fait alors place à l’émotion qui me sussurre mine de rien : « Il est bien facile de manipuler des poulains de quelques jours, mais une fois qu’ils sont plus grands et donc plus costauds, c’est une autre histoire, je voudrais bien voir sur les chevaux qui sont plus grands et remis en estive, donc libre du contact avec l’homme depuis des mois, ce qui subsiste de cet « imprinting » !
Je ne cache pas les cachotteries émises par ma « raison » et Jean Louis prend la balle au bond et m’invite à faire moi même l’expérience dès le lendemain, car il se rend chaque semaine à l’estive pour s’assurer que le troupeau se porte bien. Les poulains sont à l’estive depuis quelques semaines, libres en pleine montagne.
Le lendemain donc nous parcourons une heure en voiture dans de beaux paysages ensuite nous marchons pendant une demie-heure environs. Christine a préparé un succullent picnic, le soleil est de la partie.
Jean Louis scrute l’horison, Toxane la chienne aussi, et puis tout au loin on note dans cette immensité verte quelques taches noires. Sont-ce des chevaux de Mérens ? Sont-ce les chevaux du Haras Picard du Sant ?
Jean Louis siffle, appelle et puis on entend un bruit de galop qui s’approche de plus en plus, au détour d’un rocher arrivent, au petit trot et en éclaireurs, les deux anciens du troupeau de Jean-ouis, Udine (22 ans) et Sabir (23 ans), ensuite seulement arrivent derrière eux les poulains. Udine et Sabir sont parrain et marraine du groupe des poulains de l’année dernière âgés d’un an et se chargent de l’éducation à la vie sauvage de ces jeunes !

Ondine et moi restons bouches bées, incrédules. Les chevaux nous entourent, viennent chercher des câlins et des gratouilles, Ondine pose même sa casquette sur la tête de Sam qui se laisse faire ! Je ressens une vive émotion qui vient s’ajouter au vécu des jours précédents. Les paroles de toute façon ne pourraient décrire ce sentiment de joie immense, ce sentiment d’être en contact avec la vraie nature des chevaux..... Et dire que très probablement je ne perçois qu’une infime partie de la vraie nature équine. Oh Equus, aides moi à percer le mystère de tes sujets !

Après le déjeuner, je sors le licol Parelli de ma poche, Sam s’avance, je le caresse avec le licol, il le renifle. Je pose le licol autours de sa tête, il se laisse faire. J’attache la corde au bout du licol avec le mousqueton. Il attend, calme. Je lui demande le pied, il me le donne, je lui fait déplacer le postérieur avec le jeu du porc épic, puis je fais de même avec l’antérieur. A gauche, à droite. Je le guide et il suit. Là je n’en reviens pas !!!! Voilà un poulain d’un an en face de moi, il ne me connait pas, on est à 2000 mètres en plein dans les Pyrénées, Sam y vit depuis des semaines à l’état sauvage, ayant eu son imprinting plus d’un an en arrière, autour de nous la nature pure, les copains équins, et Sam, joue le jeu.... le jeu du Natural Horsemanship ! Je parie que même Pat Parelli n’en croirait pas ses yeux !

Voilà ce qui se fait au Haras Picard du Sant, voilà une expérience que les mots sont trop pauvres que pour rendre leur vrai sens aux mille impressions emmagasinées dans mon être, quelques photos aident peut être plus....Mais ce qui est indélébile, c’est la trace qu’à laissé cette expérience tout au fond de mon âme.
Ce qui est merveilleux c’est qu’au moins une fois dans ma vie j’aurai vécu et reçu de nos amis équins des moments d’une qualité précieuse, rare et ecceptionnelle. Le vrai don de soi ! Les chevaux sont les êtres les plus généreux que je connaisse !
Avoir pu être en contact avec ces créatures merveilleuses et avec leurs humains dévoués du Picard du Sant me comble de joie !

Alors je me rends compte que nos chevaux de box, toujours sur le qui-vive, sont des chevaux qui sont sur le bord de la crise hystérique ou pire ces chevaux qui ont déjà renoncé à leur âme, ceux dont le regard est déjà éteint. Jean-Louis m’explique que le côté problématique de l’éducation qu’il donne à ses chevaux de Mérens, basée sur une très grande confiance en l’homme dès les premières heures de vie, réside dans le fait que cela fait des chevaux à la sensibilité hypertrophiée que l’on peut casser assez facilement. C’est pour cette raison qu’il tient à tout prix de savoir où vont ses « bébés » et être certain de donner la meilleure des chances aux futur couple humain – cheval de vivre de belles expériences et de grandir dans le respect et dans l’amour.... Je médite !

J’arrive à une conclusion qui d’un côté me fait mal car tout renoncement fait mal ! Je promets à Equus que tant que je n’aurai pas les moyens d’offrir à mon futur cheval une vie digne de sa condition équine, sur l’exemple de Christine et Jean Louis, même en miniature, je ne serai pas propriétaire de cheval ! Pas question d’acheter un cheval et de le mettre au box !

Je l’avoue, je suis définitivment tombée amoureuse du cheval de Mérens !!!!! Et donc par la force des choses, au Haras Picard du Sant, on y retourne.....

Au terme de ces quelques jours d’intenses émotions, on rentre dans notre Tessin. Ondine n’a que les larmes pour exprimer sa tristesse de quitter les poulains, surtout Tzora, qui pour elle est un vrai peluche vivant à câliner du matin au soir et du soir au matin !
Et moi j’irai retrouver ma Flatteuse, la jument que l’on m’a confié en demi pension, a qui je raconterai tout ce que j’ai vécu. Un pincement au coeur car Flatteuse est une jument d’écurie, elle ne peut avoir des galoppades dans des terres infinies, mais je lui consacre toutes mes heures libres de mes obbligations professionelles, c’est à dire toutes mes journées du WE et de deux à trois heures les autres jours, afin d’être avec elle. Je lui offire des tas de ballades en main, je me ballade plus à ses côtés que sur son dos, je lui offre des jeux Parelli, des carottes dont elle raffolle et beaucoup, mais beaucoup d’amour, car quoi que l’on dise, depuis un an elle me guide vers moi-même. C’est pour mieux la comprendre que j’approfondis, je scrute et je cherche, c’est pour mieux la respecter que je remets sans cesse en question mon approche équine et ma vie n’en est que plus belle, plus pleine d’un sens nouveau, de vérité et d’absolu et c’est pour mieux l’aimer que je cherche à percer le Mystère d’Equus. Les étendues, vastes, infinies, la liberté d’être selon sa propre nature, le ciel qui touche la terre à l’horison vers lequel on courre sans jamais l’atteindre, c’est peut être le mystère de la Vie qu’Equus est venu nous apporter.
Je ne sais pas, et vous ?

Natascha Smargiassi, septembre 2007


P.S. J’ai reçu la triste nouvelle de la part de Jean Louis, c’est que Tom, le petit dernier est décédé. Il a eu un accident à la jambe et on a dû l’endormir. J’ai été très triste !